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vendredi 30 septembre 2016

Le roi de la Cité du Mal



Extrait de "Traité du Saint-Esprit" de Mgr Gaume :



Satan inspirant l'Antichrist
Si la puissance de notre âme sur la matière a des limites qui nous sont inconnues, comment mesurer celle de l'ange, pur esprit, d'une nature bien supérieure à celle de notre âme (I p., q. LXXV, art. 7, ad 2) ? Comment, surtout, calculer la puissance du premier des esprits ? Or, tel est Satan, le roi de la Cité du mal. « Le premier ange qui pécha, dit saint Grégoire, était le chef de toutes les hiérarchies. Comme il les surpassait en puissance, il les surpassait en lumière (Homil, XXXIV in Evang., et S. Th.,  I p., q. LXVII, art. 7 et 9). »

Pour ne citer qu'un exemple de ce qu'il peut, contentons-nous de rappeler l'histoire de Job. En vue d'éprouver la vertu du saint homme, Dieu permet à Satan d'user contre lui, dans une certaine limite, de la puissance de sa haine. En un clin d'œil, il a condensé les nuages, déchaîné les vents, allumé la foudre, ébranlé la terre, et les bâtiments de Job sont renversés. Ses troupeaux disparaissent, ses enfants périssent. Quelques instants lui ont suffi pour causer toutes ces ruines. Lorsque la permission lui sera donnée, il mettra moins de temps encore à couvrir Job, de la tête aux pieds, d'ulcères purulents, et du plus brillant prince de l'Orient, faire un mendiant solitaire et le patriarche de la douleur.

Plus tard, nous le voyons s'attaquer, sans le connaître, au Fils même de Dieu. Avec la rapidité de l'éclair, il le transporte tour à tour du fond du désert sur le pinacle du temple et sur le sommet d'une montagne. Là, par un de ces prestiges que nous ne pouvons comprendre, mais qui lui sont familiers, il fait passer devant les yeux du Verbe incarné tous les royaumes de la terre avec leurs splendeurs. Or, ce qu'il était au temps de Job et de la rédemption, le roi de la Cité du mal Test aujourd'hui. Même nature, par conséquent même puissance et même haine de l'homme et du Verbe fait chair. De là lui vient un autre nom.

Il est appelé homicide, homicide par excellence, homicida ab initio. Homicide toujours, homicide de volonté, homicide de fait, homicide de tout ce qui respire, homicide du corps, homicide de l'âme. Ce nom, il ne le justifie que trop.

Homicide du Verbe
. — À l'instant même où le mystère de l'Incarnation lui fut révélé, il devint homicide. Afin de faire échouer le plan divin, il conçut la pensée de tuer le Verbe incarné. Il le tua dans son cœur, et fut homicide devant le Père, devant le Fils, devant le Saint-Esprit, devant le monde Angélique, en attendant de l'être en réalité devant le monde humain (Rupert, in Joan., lib. VIII, n. 242, III).

Homicide des Anges
. — En les entraînant dans sa révolte, il fut pour eux la cause de la damnation, c'est-à-dire de la mort éternelle. Faire périr, autant que des esprits peuvent périr, des centaines de millions de créatures, les plus heureuses et les plus belles qui soient sorties du néant : quel carnage et quel crime (Vig., LXXXVII) !

Homicide des Saints
. Ce qu'il fut dans le Ciel, il l'est sur la terre. Homicide d'Adam, homicide d'Abel, homicide des prophètes, homicide des Justes de l'ancien monde, images prophétiques du Verbe incarné. En eux, c'est lui qu'il persécute, lui qu'il torture, lui qu'il tue. Homicide des apôtres et des martyrs, continuation vivante du Verbe incarné. En eux encore, c'est lui, toujours lui qu'il insulte, qu'il outrage, qu'il flagelle, qu'il déchire, qu'il mutile, qu'il brûle, qu'il tue et qu'il tuera jusqu'à la fin des siècles.

Homicide de l'homme en général
. — C'est lui qui a introduit la mort dans le monde. Pas une agonie dont il ne soit la cause ; pas une goutte de sang versé qui ne retombe sur lui ; pas un meurtre dont il ne soit l'instigateur. Les empoisonnements, les assassinats, les guerres, les combats de gladiateurs, les sacrifices humains, l'anthropophagie, viennent de lui. Homicide surtout de l'enfant, image plus parfaite et plus aimée du Verbe : c'est par milliards qu'il faut compter les enfants que Satan a fait immoler à sa haine, chez tous les peuples de l'Orient et de l'Occident, et qu'il continue de faire immoler.

Homicide, non seulement en poussant l'homme à tuer son semblable, mais en l'excitant à se tuer lui-même. Le suicide est son ouvrage. Nous le montrerons ailleurs en prouvant que le suicide, sur une grande échelle, ne s'est vu dans le monde qu'aux deux époques, où le règne de Satan fut à son apogée. En attendant, citons le témoignage d'un de nos évêques missionnaires. « Que de faits j'aurais à vous raconter pour vous démontrer de plus en plus, si l'on pouvait en douter, la puissance de Satan sur les infidèles. Entre mille, en voici un qui est ordinaire en Chine, aussi bien dans le Su-Tchuen qu'ici, en Mandchourie, et qui est attesté par des milliers de témoins. Quand, pour quelque dispute avec sa belle-mère ou avec son mari, pour des coups reçus des paroles amères, il prend à une femme l'envie de se pendre, et le cas est fréquent en cet empire, souvent il n'est pas nécessaire de recourir à la suspension. Cette infortunée s'assied sur une chaise ou sur son khang (sorte d'estrade), se passe au cou le cordon fatal et Celui qui fut homicide dès le commencement se charge du reste... il serre le nœud (Annales de la Propag., etc., 1857, n. 175, p. 428. Lettre de Monseigneur Vérolles, évêque de Mandchourie). »

Tuer le corps ne lui suffit pas. C'est par l'âme surtout que l'homme est l'image du Verbe incarné, et c'est à l'âme principalement qu'en veut le grand homicide. Son existence n'est qu'une chasse aux âmes : et quel carnage il en fait! Des millions de chasseurs et des millions de bourreaux sont à ses ordres. Partout leurs pièges ; partout leurs victimes, La terre est couverte des uns ; l'enfer, rempli des autres.

Qu'est-ce que l'idolâtrie, qui a régné et qui règne encore sur la plus grande partie du globe, sinon une immense boucherie d'âmes ? Qui en est la cause consommante ? Le grand homicide, caché sous mille noms et sous mille formes différentes (Unde in Ps. XCV, dicitur : Omnes dii gentium daemonia. S. Th., 2a 2 ae , q. XCIV, art. 4, corp.). Au sein même du christianisme, d'où vient la tendance funeste et de plus en plus générale qui pousse tant de millions d'âmes au suicide d'elles-mêmes ? Si ce n'est pas du Saint- Esprit, c'est donc encore et toujours de l'éternel Homicide (S. Th., I p., q. LXIV, art. 2 corp. ; id., id., CXIV, art. 3, corp. ; id., Ia 2ae, q. LXXX, art. 4, corp. — Le Compte général de l'administration de la justice criminelle en France pendant l'année 1860 constate l'augmentation du nombre des prévenus d'outrages publics à la pudeur. Ils ont quintuplé de 1826 à 1860, et se sont élevés de 727 à 4 108, et de 1856 à 1860 la progression s'est encore accélérée. Ajoutez que, depuis quarante ans, le nombre des crimes de tout genre a augmenté de plus de 20 p. 10 !). Telle est la guerre acharnée, implacable, que Satan fait au Verbe incarné et qui lui mérite le nom d'Homicide. Il en a d'autres encore.

Il est appelé Démon, Daemon. Pour désigner Lucifer, les oracles sacrés disent le Démon, c'est-à-dire le démon le plus redoutable, le Roi des démons. Sa science effrayante des choses naturelles, sa science non moins effrayante de l'homme et de chaque homme, de son caractère, de ses penchants, de ses habitudes, de son tempérament, en un mot de ses dispositions momies, lui ont fait donner ce nom, qui signifie : intelligent, savant, voyant. Ne pouvant lire immédiatement dans notre âme, il voit ce qui s'y passe par les fenêtres de nos sens. Nos yeux, notre visage, le ton de notre voix, les mouvements de nos membres, notre démarche, la manière de nous habiller, de nous tenir, de manger, de nous comporter en toutes choses, sont autant d'indices dont il tire des conclusions certaines, pour nous tendre des pièges et nous lancer des traits.

Il est appelé Diable ou plutôt le Diable, Diabolus. Odieux entre tous, ce nom signifie calomniateur. Deux choses constituent la calomnie : le mensonge et l'outrage. À ce double point de vue, Lucifer est le calomniateur par excellence.

Au point de vue du mensonge, son nom présente à l'esprit un affreux composé d'hypocrisie, de ruse, de fraude, d'astuce, de tromperie, de malice, de bassesse et d'effronterie. Mentir est sa vie. C'est lui qui a inventé le mensonge, il est le mensonge vivant : Mendax et Pater mendacii. Il mentit au ciel, il ment sur la terre ; il mentit à Adam, il ment à toute sa postérité. Il ment dans ses promesses, il ment dans ses terreurs ; il ment en disant la vérité, car il ne la dit que pour mieux tromper (S. Th., I p., q. LXIV, art. 2. ad. 5). Il ment sur tout, il ment avec audace, il ment toujours, et tous ses mensonges sont des outrages.

À ce nouveau point de vue, il est également digne de son nom. Calomnier, c'est-à-dire outrager et blasphémer le Verbe fait chair ; le calomnier dans sa divinité, dans son Incarnation, dans sa véracité, dans sa puissance, dans sa sagesse, dans sa justice, dans sa bonté, dans ses miracles et dans ses bienfaits ; calomnier l'Église son épouse ; la calomnier dans son infaillibilité, dans son autorité, dans ses droits, dans ses préceptes, dans ses œuvres, dans ses ministres, dans ses enfants ; provoquer ainsi la haine et le mépris du Verbe incarné et de tout ce qui lui appartient : telle est, l'histoire le prouve, l'incessante occupation du Roi de la Cité du mal.

Il est appelé Satan, Satanas. Ce dernier nom résume tous les autres. Satan veut dire adversaire, ennemi. Ennemi de Dieu, ennemi des anges, ennemi de l'homme, ennemi de toutes les créatures ; ennemi infatigable, implacable, nuit et jour sur pied, et à qui tous les moyens sont bons ; ennemi par excellence qui, réunissant en lui toutes les puissances hostiles avec leur ruse et leur force, les met au service de sa haine : tel est l'Archange déchu.

En présence d'un pareil ennemi, la présomptueuse ignorance peut seule demeurer insouciante et désarmée. Autres sont les pensées du génie ; autre est sa conduite. Toujours marcher couvert de l'armure divine, qui seule peut le mettre à l'abri des traits enflammés de Satan, est sa sollicitude du jour et sa préoccupation de la nuit.

Faisons notre profit des avertissements qu'une terreur trop justifiée inspirait à saint Augustin : « Quoi de plus pervers, quoi de plus malfaisant que notre ennemi ? Il a mis la guerre dans, le ciel, la fraude dans le paradis terrestre, la haine entre les premiers frères ; et dans toutes nos œuvres, il a semé la zizanie. Voyez : dans le manger il a placé la gourmandise ; dans la génération, la luxure ; dans le travail, la paresse ; dans les richesses, l'avarice ; dans les rapports sociaux, la jalousie ; dans l'autorité, l'orgueil ; dans le cœur, les mauvaises pensées ; sur les lèvres, le mensonge, et dans nos membres des opérations coupables. Éveillés, il nous pousse au mal ; endormis, il nous donne des songes honteux. Joyeux, il nous porte à la dissolution ; tristes, au découragement et au désespoir. Pour tout dire d'un seul mot : tous les péchés du monde sont un effet de sa perversité. (Serm, comm., IV) »

Sa haine va plus loin. De même que le Verbe incarné approprie sa grâce à la nature, à la position et aux besoins de chacun ; de même Satan, profitant de sa pénétration, diversifie ses poisons, suivant la disposition particulière de chaque âme. Écoutons encore un autre grand génie : « Le rusé Serpent, dit saint Léon, sait à qui il doit présenter l'amour des richesses ; à qui les attraits de la gourmandise ; à qui les excitations de la luxure ; à qui le virus de la jalousie. Il connaît celui qu'il faut troubler par le chagrin ; celui qu'il faut séduire par la joie ; celui qu'il faut abattre par la crainte ; celui qu'il faut fasciner par la beauté. De tous il discute la vie, démêle les sollicitudes, scrute les affections, et où il voit la préférence de chacun, là il cherche une occasion de nuire (Serm. VIII, de Nativ). »

Tel est Satan, l'Archange déchu, le Roi de la Cité du mal.





Lire "Traité du Saint Esprit" (Tome 1, Tome II)


Lire aussi "Traité de l'Enfer" de Sainte Françoise Romaine, "Abrégé de démonologie" de Jean Vaquié, et "La conjuration antichrétienne" de Mgr Delassus.






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